inueraient tout uniment de vivre entre eux, au club, au cafe, a la
bourse, aux reunions electorales et dans les autres milieux d'ou ils ont
eternellement juge convenable de nous exclure.
--Vous n'avez pas, je le vois, une haute idee de la sanctissime
institution matrimoniale.
--Peut-etre, apres un siecle encore d'etudes et de progres, le mariage
se justifiera-t-il par l'union reelle des intelligences, par un retour
sincere a la dualite de l'etre humain. Alors l'homme ne fera rien
a demi, c'est-a-dire rien a lui tout seul. Livre, poeme, tableau,
symphonie, invention, decouverte, legislation, tout sera concu, elabore,
execute, acheve par ces deux ames devenues la meme pensee; toute oeuvre
sera complete, sinon excellente. Nous n'assisterons pas, vivantes, a ce
triomphe du bon sens; il faut nous borner a le predire.
Miss Ellen s'appretait a faire sur les resultats de la dualite et sur
les diverses phases de l'union des intelligences plusieurs questions
probablement interessantes, mais l'heure de l'indispensable promenade a
l'Etablissement du gaz et de l'inevitable apparition de mistress Flyburn
avait sonne.
VIII
Dix jours se passerent ainsi sans le moindre nuage.
L'education de miss Ellen dans la science sociale avancait rapidement;
la docile eleve raffolait du professeur et de ses lecons.
On ne pouvait imaginer, au reste, une existence mieux reglee, des
conversations plus instructives, une intimite plus delicate et une
liberte plus parfaite... Jamais mistress Josuah n'avait trahi la moindre
curiosite touchant les longues promenades que miss Ellen s'accordait
tous les jours, et meme certains soirs, pendant le cours des
observations sur l'action morbide ou curative de l'hydrogene.
En surplus de ce bonheur, on avait d'agreables divertissements en
perspective, notamment la prochaine initiation a la franc-maconnerie.
Mais un soir, celui du second samedi, le programme s'enrichit d'un
plaisir inattendu.
Le samowar ne bouillait pas comme d'habitude. Mistress Flyburn, sans
avertissement prealable, avait pris d'autres dispositions. Un cordon de
tasses bordait la table; le milieu etait occupe par une immense theiere
entouree de fioles a liqueur, de cruchons de biere, de boites de
cigares, de pots a tabac et autres accessoires d'un raout americain au
present siecle.
--Nous avons des receptions mensuelles, expliqua mistress Brog-Hill: je
vois a votre air que j'avais oublie de vous avertir.
--Vos soeurs en f
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