ois gener beaucoup la bonne
vieille; elle balbutiait ses explications et, glissant a reculons, elle
s'effaca de la chambre dont elle referma la porte sans le moindre bruit.
Restee seule, miss Ellen s'etendit dans un fauteuil et laissa courir
son imagination qui retraca, comme une suite de reves tumultueux et
bizarres, les evenements de la journee.
La chaleur torride du matin se rafraichissait d'un souffle d'orage. Tout
faisait silence; le chant seul du merle, sifflant dans le jardin sa note
rieuse, vibrait imperceptiblement a travers les murs.
L'harmonie de la situation inspirait la sagesse.
Pourquoi miss Ellen ne menerait-elle pas desormais cette vie paisible,
et pourquoi ne ferait-elle pas de son plein gre ce que semblait
souhaiter mistress Josuah?
Cette pensee l'occupa longtemps, mais mistress Flyburn avait exactement
prevu ce que ferait miss Ellen pour tuer le temps jusqu'a l'heure du
diner.
Les meditations terminees, elle mit sous clef ses dollars, regarda
quelques images et succomba bien vite a la tentation d'emprunter au
cabinet de toilette une des robes de Josuah, pour en faire l'essai
mysterieux.
Trois secondes plus tard, miss Ellen se contemplait dans un miroir,
vetue a son tour d'une tunique de drap noir boutonnee tout au long, et
rabattait ses cheveux denoues sur ses epaules, afin de copier jusqu'au
bout l'etrangete piquante de Josuah.
--Il ne vous manque plus que ceci, dit mistress Flyburn rentree
silencieuse comme un phalene et tenant du bout des doigts un grand col
de toile blanche, rigidement empese.
L'opportunisme de mistress Flyburn atteignait au prodige, mais le plus
presse etait de completer l'epreuve.
Quand le miroir encore consulte eut repondu, miss Ellen hesita entre
le plaisir de garder ce travestissement et la crainte de paraitre trop
familierement libre-echangiste.
Mistress Flyburn s'empressa de dissiper ces scrupules inavoues.
--Rien ne sera plus agreable a mistress Josuah que de vous voir accepter
des aujourd'hui l'uniforme de la maison, affirma-t-elle de l'accent le
plus convaincu.
Et on quitta la chambre pour aller se mettre a table.
V
Le diner, servi dans l'appartement de Josuah, merite a peine une
mention. Les Americains de n'importe quel sexe mangent vite et mal, avec
abus de conserves et de poivre rouge.
Sitot le repas termine, mistress Flyburn, toujours chronometriquement
ponctuelle, mit sur la table un samowar fumant, une theiere, des tasses
et
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