comme la production de notre
conception ou de notre pensee, ou nous trouvons _une idee de cette
immaterielle, incorporelle, pure, spirituelle generation que l'Evangile
nous a revelee_. "Entendre et vouloir, connaitre et aimer sont actes
tres-distingues, mais le sont-ils reellement?... Tout cela au fond
n'est autre chose que ma substance affectee, diversifiee, modifiee de
differentes manieres, mais dans son fond toujours la meme... Une
trinite creee que Dieu fait dans nos ames, nous represente la Trinite
increee[319]."
[Note 319: _Elevations sur les Mysteres_, 400. Sem., Eloy. III, IV, V et
VI.]
Puisque les similitudes, c'est-a-dire les figures sont admises, il ne
reste au theologien qu'un devoir, c'est d'avertir son lecteur du danger
et de l'inexactitude inevitable du langage figure en si grave matiere.
Or, ce devoir, Abelard l'a rempli. Seulement son ton accoutume de
confiance et meme de presomption, son ascendant sur ses auditeurs, son
intolerance irritable a la plus simple contradiction l'avaient conduit,
lui et ses disciples, a mettre son explication au-dessus de l'objection
et du doute. Il fut bientot etabli dans son cercle qu'il avait rendu le
dogme clair comme le Jour, et que, grace a lui, le mystere etait devenu
comprehensible. Or, cela meme etait une opinion heterodoxe, dangereuse
pour les fideles, provocante pour ses rivaux. "Est-ce vrai, lui dit le
sage Gautier de Mortagne, ce que disent quelques-uns de vos disciples?
Ils vantent au loin et glorifient votre subtilite et votre sagesse, et
en cela ils ne font qu'acte de justice. Mais ils affirment que vous avez
penetre les profonds mysteres de la Trinite, au point que vous en avez
une connaissance pleine et parfaite. De grace, ecrivez-moi si enfin vous
connaissez parfaitement ou imparfaitement Dieu[320]."
[Note 320: _D'Achery, Spicileg_., t.111. _Guali. de Manr_., Ep. V, p.
524.]
La etait au fond la veritable heresie, elle resultait moins d'excusables
opinions que de la pretention hautaine de les donner pour des verites
dernieres, pretention que semblaient trahir les dedains du maitre et la
jactance des eleves. La peut s'appliquer le mot d'Abelard lui-meme: "Ce
n'est pas l'ignorance qui fait l'heretique, c'est l'orgueil[321]." Mais
quel tribunal humain peut connaitre de ce crime-la?
[Note 321: _Theol. Chr_., p.1247.]
IV.
"Il dit encore," continue saint Bernard[322], "que le Saint-Esprit
procede du Pere et du Fils, mais qu'il n'est nullement de
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