ne question qui lui vint aux levres.
--Quelles circonstances solennelles? dit-il vivement.
Madame de Barizel le regarda bien en face, en plein dans les yeux.
--La demande de la main de Corysandre par M. le duc de Naurouse,
dit-elle lentement.
Il n'etait point habituellement demonstratif, le prince Savine;
cependant madame de Barizel avait si bien conduit l'entretien pour
produire l'effet qu'elle voulait, qu'il laissa echapper une exclamation
en se levant a demi sur son fauteuil.
--Naurouse vous a demande la main de mademoiselle Corysandre?
Elle ne repondit pas tout de suite, jouissant de cette emotion, pour
elle pleine de promesses.
Elle avait donc reussi; maintenant il ne lui restait plus qu'a
poursuivre l'avantage qu'elle avait obtenu et a achever ce qu'elle avait
si heureusement commence.
--Je ne vous ai pas dit cela, repondit-elle enfin. Au moins dans ces
termes. Je ne vous ai pas dit que la demande etait faite. Je suppose
qu'elle est sur le point de se faire.
--Ce n'est pas la meme chose.
--Assurement. Mais, comme cette supposition repose sur des faits
certains, mon devoir de mere est de prendre des precautions. Voici ces
faits: M. de Naurouse a profite de la presence ici de M. Dayelle, qui
est, comme vous le savez, notre meilleur ami, notre conseil, le second
pere de Corysandre, pour lui parler mariage et lui prouver, ce qui
veritablement n'aurait eu aucun interet pour M. Dayelle sans l'intimite
qui nous unit, que les folies de jeune homme qu'il avait pu faire
n'avaient aucune importance au point de vue de son mariage.
--Vraiment!
--Cela est caracteristique, n'est-ce pas? Ce n'est pas tout: il n'est
presque pas de soiree que M. de Naurouse ne passe avec Leplaquet a
l'interroger sur nous, sur M. de Barizel, sur moi, sur notre vie en
Amerique, sur nos proprietes, sur Corysandre, surtout sur Corysandre.
Cela a tellement frappe Leplaquet, qu'il a cru devoir m'en parler en me
racontant comment le duc de Naurouse, pris pour lui d'une belle amitie,
l'accompagne le soir pendant des heures entieres et ne peut pas le
quitter. Cela aussi est caracteristique, n'est-ce pas, car il n'est pas
dans les habitudes de M. de Naurouse de se lier ainsi et de montrer une
telle curiosite, qui serait blessante pour nous, si elle ne s'expliquait
pas par ma supposition. N'est-ce pas votre avis?
Il repondit d'un signe de main.
--Maintenant, continua madame de Barizel, ce qu'est M. de Naurouse avec
ma fille, je
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