s, il n'est personne mieux que vous qui puisse dire ce qu'est M.
le duc de Naurouse?
--Personne. Cependant, par cela seul que je suis son ami...
--Oh! soyez sans crainte; je n'ai pas a me plaindre de M. de Naurouse et
ce n'est pas une accusation que je veux porter contre lui: je trouve que
c'est un des hommes les plus charmants que j'aie jamais rencontres.
--Certainement, dit Savine avec une grimace, car rien ne le faisait plus
cruellement souffrir que d'entendre l'eloge de ses amis.
--Distingue.
--Tres distingue, et meme peut-etre, si cela est possible a dire, un peu
trop distingue, ce qui lui donne quelque chose d'effemine.
--Genereux.
--Genereux jusqu'a la prodigalite, jusqu'a la folie, car toute qualite
poussee a l'extreme devient un defaut.
--Noble.
--De la meilleure noblesse; bien que, par sa mere, qui etait une
Condrieu-Revel, c'est-a-dire tout bonnement une Coudrier si le proces en
ce moment pendant est fonde, il y ait une tache sur son blason.
--Beau garcon.
--Tres beau garcon, quoique sa beaute ne soit pas tres solide a cause de
sa sante qui a ete rudement eprouvee et qui meme inspire des craintes
serieuses a ses amis.
--La mine fiere.
--Que trop, car il y a des moments ou cette fierte frise l'arrogance.
--Le caractere chevaleresque.
--A un point que vous ne sauriez imaginer. Si je vous disais ce que ce
caractere chevaleresque lui a fait commettre d'extravagances, vous en
seriez stupefaite.
--Plein de coeur.
--Oh! pour cela, rien n'est plus vrai; on peut meme dire que c'est la
son faible, le brave garcon. Combien de fois a-t-il ete victime de son
coeur! Et ce qu'il y a de curieux, c'est que l'apparence le fait prendre
pour un sceptique et un indifferent; tandis qu'en realite c'est un naif
et, pour toutes les choses de coeur, disons le mot... un jobard.
--Je suis heureuse de voir que vous le jugez comme moi et que vous lui
rendez pleine justice.
--Je vous l'ai dit, c'est mon meilleur ami.
--Je le savais avant que vous ne me le disiez et cependant je n'ai pas
hesite a m'adresser a vous, parce que je savais en meme temps que
ce n'etait pas en vain qu'on faisait appel a votre honneur, a votre
probite.
Les compliments debites ainsi, laches a bout portant, en pleine figure,
provoquent ordinairement deux mouvements contraires chez ceux qui les
recoivent les uns s'inclinent en ayant l'air de dire: "C'est trop"; les
autres se redressent et se rengorgent en disant par leu
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