aisseaux a sombre dans la mer;
Beaux reves avortes, ambitions decues,
Souterraines ardeurs, passions sans issues,
Tout ce que l'existence a d'intime et d'amer.
L'ocean tous les jours me devore un navire,
Un recif, pres du bord, de sa pointe dechire
Leurs flancs doubles de cuivre et leur quille de fer.
Combien j'en ai lance plein d'ivresse et de joie
Si beaux et si coquets sous leurs flammes de soie.
Que jamais dans le port mes yeux ne reverront!
Quels passagers charmants, tetes fraiches et rondes,
Desirs aux seins gonfles, espoirs, chimeres blondes;
Que d'enfants de mon coeur entasses sur le pont!
Le flot a tout couvert de son linceul verdatre,
Et les rougeurs de rose, et les paleurs d'albatre,
Et l'etoile et la fleur eclose a chaque front.
Le flux jette a la cote entre le corps du phoque,
Et les debris de mats que la vague entre-choque,
Mes reves naufrages tout gonfles et tout verts;
Pour ces chercheurs d'un monde etrange et magnifique,
Colombs qui n'ont pas su trouver leur Amerique,
En funebres caveaux creusez-vous, o mes vers!
Puis montez hardiment comme les cathedrales,
Allongez-vous en tours, tordez-vous en spirales,
Enfoncez vos pignons au coeur des cieux ouverts.
Vous, oiseaux de l'amour et de la fantaisie,
Sonnets, o blancs ramiers du ciel de poesie,
Posez votre pied rose au toit de mon clocher.
Messageres d'avril, petites hirondelles,
Ne fouettez pas ainsi les vitres a coups d'ailes,
J'ai dans mes bas-reliefs des trous ou vous nicher;
Mes vierges vous prendront dans un pli de leur robe,
L'empereur tout expres laissera choir son globe,
Le lotus ouvrira son coeur pour vous cacher.
J'ai brode mes reseaux des dessins les plus riches,
Evide mes piliers, mis des saints dans mes niches,
Pose mon buffet d'orgue et peint ma voute en bleu.
J'ai prie saint Eloi de me faire un calice;
Le roi mage Gaspard, pour le saint sacrifice,
M'a donne le cinname et le charbon de feu.
Le peuple est a genoux, le chapelain s'affuble
Du brocart radieux de la lourde chasuble;
L'eglise est toute prete; y viendrez-vous, mon Dieu?
LA COMEDIE DE LA MORT.
LA VIE DANS LA MORT.
I.
C'etait le jour des morts: Une froide bruine
Au bord du ciel raye, comme une trame fine,
Tendait ses filets gris;
Un vent de nord sifflait; quelques feuilles rouillees
Quittaient en frissonnant les cimes depouillees
Des ormes rabougris;
Et chacun s'en allait dans le grand cimetier
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