es bourreaux redoublerent de soins
envers M. de Brigeac pour qu'il put arriver jusque dans leur pays. Il
fut enfin capable de marcher, mais il ne les suivait qu'avec la plus
grande peine, a cause des blessures qu'il avait recues au bras droit, a
la tete, aux pieds et par tout le corps. Tout en cheminant, et malgre
ses souffrances, il ne cessait de prier Dieu. Lorsqu'ils furent enfin
arrives, ses bourreaux commencerent a lui faire subir les tortures
auxquelles ils le destinaient, tortures qu'ils voulaient rendre aussi
cruelles que possible pour venger la mort de leur capitaine. Ils lui
arracherent les ongles, les bouts des doigts et les fumerent ensuite;
ils lui couperent des lambeaux de chair, tantot dans un endroit, tantot
dans un autre; ils l'ecorcherent, le rouerent de coups de baton, lui
appuyerent des charbons ardents et des fers chauds sur sa chair mise a
nu, enfin ils n'epargnerent rien pendant les vingt-quatre heures que
dura son supplice pour le rendre plus douloureux. Leur rage s'augmentait
de la patience et du courage de ce malheureux "qui, au milieu des plus
atroces tortures, ne faisait que prier Dieu pour la conversion et le
salut de ses bourreaux, ainsi qu'il avait promis a Dieu de le faire, en
se voyant sur le point d'entrer dans ces tortures."
Les _Relations_ des Jesuites de 1665 racontent ainsi le supplice de M.
de Brigeac: "Il fut brule toute la nuit depuis les pieds jusqu'a la
ceinture, et le lendemain on continua encore a le bruler, apres lui
avoir casse les doigts. Durant cette sanglante et cruelle execution, il
ne cessa jamais de prier Dieu pour la conversion de ces barbares offrant
pour eux toutes les douleurs qu'ils lui faisaient endurer, faisant a
Dieu cette priere: _Mon Dieu, convertissez-les_, et repetant toujours
ces paroles sans pousser un seul cri de plainte, quelque affreuses que
furent ses tortures."
Ce courage a supporter les supplices les plus cruels, cette sollicitude
et cette compassion pour les bourreaux etonnent moins quand on reflechit
a la purete de la vie de ce gentilhomme, et au dessein qui l'avait fait
venir a Villemarie pour offrir sa vie a Dieu en assistant les habitants
d'une ville si exposee aux coups des sauvages.
V
M. VIGNAL JUGE PAR SES CONTEMPORAINS.
La mort de M. Vignal, arrivant si peu de temps apres celle de M. Le
Maitre, plongea dans la douleur la plus profonde tous les colons. Ce
digne pretre, si remarquable par sa charite, son humilite, son esprit
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