ur contradiction apparente.
Si j'avais tout d'abord voulu partir avec tant de hate, c'etait pour
rejoindre mon regiment et me trouver au milieu de mes hommes au moment
ou il faudrait se prononcer et agir.
Maintenant ce moment etait passe; maintenant, mes camarades avaient pris
parti, et je ne les rejoindrais que pour les imiter ou pour me separer
d'eux.
Quel parti avaient-ils pris? et que s'etait-il passe a Marseille?
Pendant ces deux journees de courses folles, je n'avais pas eu le temps
de lire les journaux; mais en montant en chemin de fer j'en avais
achete plusieurs. Je me mis a les etudier, en cherchant ce qui touchait
Marseille et le Midi.
Malheureusement les journaux de ces pays n'avaient pas encore eu le
temps d'arriver a Paris depuis le coup d'Etat, et l'on etait reduit aux
depeches transmises par les prefets.
Ces depeches disaient que les mesures de salut public, prises si
courageusement par le President de la Republique, avaient ete
accueillies a Marseille avec enthousiasme.
Cela etait-il vrai? cela etait-il faux? c'etait ce qu'on ne pouvait
savoir. Cependant, en lisant les depeches des Basses-Alpes et du Var,
on pouvait supposer que cet enthousiasme des populations du Midi etait
exagere, car dans ces deux departements on signalait une certaine
agitation "parmi les bandits et les socialistes."
Ce qui contribua surtout a me faire douter de cet enthousiasme constate
officiellement, ce fut le recit des faits qui s'etaient passes au
boulevard des Italiens, et dont j'avais ete le temoin.
Si l'on racontait en pareils termes a Paris, pour les Parisiens, ce qui
s'etait passe a Paris devant les Parisiens, on pouvait tres-bien n'etre
pas sincere pour ce qui s'etait passe a deux cents lieues de tout
controle.
"Un incident malheureux, disait le journal, a signale la journee d'hier
sur le boulevard des Italiens. Au passage du 1er lanciers et de la
gendarmerie mobile, plusieurs coups de feu sont partis de differentes
maisons et plusieurs lanciers ont ete blesses. Le regiment a riposte et
des degats redoutables et naturels, mais necessaires, en sont resultes.
Les individus qui se trouvaient dans ces maisons ont ete plus ou moins
atteints par les coups de feu de la troupe."
Ainsi c'etait la foule qui avait attaque les lanciers; ainsi le
malheureux jeune homme assassine dans la cour de la maison ou nous
avions trouve un abri, avait ete atteint par un coup de feu qui etait
"une riposte de la troupe;" a
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