les armes. Il est appele a se prononcer par oui
et par non sur ce coup d'Etat; qu'il se prononce et j'obeirai a son
verdict. Voila le role du soldat tel que je le comprends dans ce moment
difficile, et je vous demande, je vous supplie, mon cher Saint-Neree, de
le comprendre comme moi.
Il vint a moi et me prit la main.
--Vous m'avez dit que vous m'estimiez?
--De tout mon coeur, colonel.
--Vous me croyez donc incapable de vous tromper, n'est-ce pas, et de
vous entrainer dans une mauvaise action!
--Oh! colonel.
--Eh bien! faites ce que je vous demande. Je ne vous commande pas de
vous mettre a la tete du detachement qui est pret a partir, je vous le
demande et vous prie de ne pas me refuser. C'est pour moi, c'est pour
l'honneur de mon regiment.
Il approcha sa chaise et s'asseyant pres de moi:
--Vous m'avez parle en toute franchise, dit-il a mi-voix, je veux vous
parler de meme. Si vous ne prenez pas le commandement de ce detachement,
il revient de droit a Mazurier, et je ne voudrais pas que ce fut
Mazurier qui fut a la tete de mes hommes dans ces circonstances. Je veux
un homme calme, raisonnable, qui ne se laisse pas entrainer; car ce
n'est pas la guerre que je veux que vous fassiez, c'est l'ordre que
je veux que vous retablissiez. Je crains que Mazurier n'ait pas ces
qualites de moderation et de prudence.
Mazurier a parmi nous une detestable reputation: repousse par tout le
monde, n'ayant pas un ami ou un camarade, deteste des soldats, c'est un
officier dangereux. Republicain feroce en 1848, il est, depuis un an,
bonapartiste enrage.
A l'idee qu'il pouvait diriger mes hommes dans cette guerre civile,
j'eus peur et compris combien devaient etre vives les apprehensions du
colonel. Mazurier voudrait faire du zele et sabrerait tout ce qui se
trouverait devant lui, hommes, femmes, enfants.
--Maintenant, continua le colonel, vous comprenez n'est-ce pas, que j'ai
besoin de vous. Je ne peux pas refuser mes hommes et, d'un autre cote,
oblige de rester a Marseille, je ne peux pas les commander moi-meme.
Vous voyez, mon cher capitaine, que c'est l'honneur de notre regiment
qui est engage.
Je restai assez longtemps sans repondre, profondement trouble par la
lutte douloureuse qui se livrait en moi.
--Eh bien! vous ne me repondez pas. A quoi pensez-vous donc?
--A me mettre la devant votre bureau, mon colonel, et a vous ecrire ma
demission.
--Votre demission! Perdez-vous la tete, capitaine?
--Malheu
|