a coup de son silence
en presence de la mort. Les sons inarticules qui s'echappaient de ses
levres, et qu'elle seule n'entendait pas, avaient quelque chose de
sauvage; ce n'etaient ni des paroles ni des sanglots, mais une sorte de
langage horrible, qui semblait invente par la douleur. Pendant un jour
et une nuit, ces cris affreux ne cesserent de remplir la maison; Camille
courait de tous cotes, s'arrachant les cheveux et frappant les
murailles. On essaya en vain de l'arreter; la force meme fut inutile. Ce
ne fut que la nature epuisee qui la fit enfin tomber au pied du lit ou
le corps de sa mere etait couche.
Presque aussitot, elle avait paru reprendre sa tranquillite accoutumee,
et, pour ainsi dire, tout oublier. Elle etait restee quelque temps dans
un calme apparent, marchant toute la journee, au hasard, d'un pas lent
et distrait, ne se refusant a aucun des soins qu'on prenait pour elle;
on la croyait revenue a elle-meme, et le medecin, qui avait ete appele,
s'y trompa comme tout le monde; mais une fievre nerveuse se declara
bientot avec les plus graves symptomes. Il fallut veiller constamment
sur la malade; sa raison semblait entierement perdue.
C'etait alors que l'oncle Giraud avait pris la resolution de venir a
tout prix au secours de sa niece.--Puisqu'elle n'a plus ni pere ni mere
dans ce moment-ci, avait-il dit aux gens de la maison, je me declare
pour son oncle veritable, charge de la soigner et d'empecher qu'il ne
lui arrive malheur. Cette enfant m'a toujours plu; j'ai souvent demande
a son pere de me la donner pour me faire rire. Je ne veux pas l'en
priver, c'est sa fille, mais pour l'instant je m'en empare. A son
retour, je la lui rendrai fidelement.
L'oncle Giraud n'avait pas grande foi aux medecins, par une assez bonne
raison, c'est qu'il croyait a peine aux maladies, n'ayant jamais
lui-meme ete malade. Une fievre nerveuse surtout lui paraissait une
chimere, un pur derangement d'idees, qu'un peu de distraction devait
guerir. Il s'etait donc decide a amener Camille a Paris.--Vous voyez,
disait-il encore, qu'elle a du chagrin, cette enfant. Elle ne fait que
pleurer, et elle a raison; une mere ne vous meurt pas deux fois. Mais il
ne s'agit pas que la fille s'en aille parce que l'autre vient de partir;
il faut tacher qu'elle pense a autre chose. On dit que Paris est tres
bon pour cela; je ne connais point Paris, moi, ni elle non plus. Ainsi
donc je vais l'y mener, cela nous fera du bien a tous les deux.
D'
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