selon le mot de M. Lantin; et
elle se mettait a examiner ces bijoux imites avec une attention
passionnee, comme si elle eut savoure quelque jouissance secrete et
profonde; et elle s'obstinait a passer un collier au cou de son mari
pour rire ensuite de tout son coeur en s'ecriant: "Comme tu es drole!"
Puis elle se jetait dans ses bras et l'embrassait eperdument.
Comme elle avait ete a l'Opera, une nuit d'hiver, elle rentra toute
frissonnante de froid. Le lendemain elle toussait. Huit jours plus tard
elle mourait d'une fluxion de poitrine.
Lantin faillit la suivre dans la tombe. Son desespoir fut si terrible
que ses cheveux devinrent blancs en un mois. Il pleurait du matin au
soir, l'ame dechiree d'une souffrance intolerable, hante par le
souvenir, par le sourire, par la voix, par tout le charme de la morte.
Le temps n'apaisa point sa douleur. Souvent pendant les heures du
bureau, alors que les collegues s'en venaient causer un peu des choses
du jour, on voyait soudain ses joues se gonfler, son nez se plisser, ses
yeux s'emplir d'eau; il faisait une grimace affreuse et se mettait a
sangloter.
Il avait garde intacte la chambre de sa compagne ou il s'enfermait tous
les jours pour penser a elle; et tous les meubles, ses vetements memes
demeuraient a leur place, comme ils se trouvaient au dernier jour.
Mais la vie se faisait dure pour lui. Ses appointements qui, entre les
mains de sa femme, suffisaient a tous les besoins du menage devenaient,
a present, insuffisants pour lui tout seul. Et il se demandait avec
stupeur comment elle avait su s'y prendre pour lui faire boire toujours
des vins excellents et manger des nourritures delicates qu'il ne
pouvait plus se procurer avec ses modestes ressources.
Il fit quelques dettes et courut apres l'argent a la facon des gens
reduits aux expedients. Un matin enfin, comme il se trouvait sans un
sou, une semaine entiere avant la fin du mois, il songea a vendre
quelque chose; et tout de suite la pensee lui vint de se defaire de la
"pacotille" de sa femme, car il avait garde au fond du coeur une sorte de
rancune contre ces "trompe-l'oeil" qui l'irritaient autrefois. Leur vue
meme, chaque jour, lui gatait un peu le souvenir de sa bien-aimee.
Il chercha longtemps dans le tas de clinquant qu'elle avait laisse, car
jusqu'aux derniers jours de sa vie elle en avait achete obstinement,
rapportant presque chaque soir un objet nouveau, et il se decida pour le
grand collier qu'elle semb
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