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urais pas avoue cela avant d'etre arrive a l'age ou je suis. Maintenant je peux tout dire. Il est permis de n'etre pas brave devant les dangers imaginaires, quand on a quatre-vingt-deux ans. Devant les dangers veritables, je n'ai jamais recule, mesdames. "Cette histoire m'a tellement bouleverse l'esprit, a jete en moi un trouble si profond, si mysterieux, si epouvantable, que je ne l'ai meme jamais racontee. Je l'ai gardee dans le fond intime de moi, dans ce fond ou l'on cache les secrets penibles, les secrets honteux, toutes les inavouables faiblesses que nous avons dans notre existence. "Je vais vous dire l'aventure telle quelle, sans chercher a l'expliquer. Il est bien certain qu'elle est explicable, a moins que je n'aie eu mon heure de folie. Mais non, je n'ai pas ete fou, et je vous en donnerai la preuve. Imaginez ce que vous voudrez. Voici les faits tout simples. "C'etait en 1827, au mois de juillet. Je me trouvais a Rouen en garnison. "Un jour, comme je me promenais sur le quai, je rencontrai un homme que je crus reconnaitre sans me rappeler au juste qui c'etait. Je fis, par instinct, un mouvement pour m'arreter. L'etranger apercut ce geste, me regarda et tomba dans mes bras. "C'etait un ami de jeunesse que j'avais beaucoup aime. Depuis cinq ans que je ne l'avais vu, il semblait vieilli d'un demi-siecle. Ses cheveux etaient tout blancs; et il marchait courbe, comme epuise. Il comprit ma surprise et me conta sa vie. Un malheur terrible l'avait brise. "Devenu follement amoureux d'une jeune fille, il l'avait epousee dans une sorte d'extase de bonheur. Apres un an d'une felicite surhumaine et d'une passion inapaisee, elle etait morte subitement d'une maladie de coeur, tuee par l'amour lui-meme, sans doute. "Il avait quitte son chateau le jour meme de l'enterrement, et il etait venu habiter son hotel de Rouen. Il vivait la, solitaire et desespere, ronge par la douleur, si miserable qu'il ne pensait qu'au suicide. "--Puisque je te retrouve ainsi, me dit-il, je te demanderai de me rendre un grand service, c'est d'aller chercher chez moi dans le secretaire de ma chambre, de notre chambre, quelques papiers dont j'ai un urgent besoin. Je ne puis charger de ce soin un subalterne ou un homme d'affaires, car il me faut une impenetrable discretion et un silence absolu. Quant a moi, pour rien au monde je ne rentrerai dans cette maison. "Je te donnerai la clef de cette chambre que j'ai fermee moi-meme en parta
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