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es Randel, le plus fort, ne faisait rien parce qu'il n'avait rien a faire, et mangeait la soupe des autres. Alors, il s'etait informe a la mairie; et le secretaire avait repondu qu'on trouvait a s'occuper dans le Centre. Il etait donc parti, muni de papiers et de certificats, avec sept francs dans sa poche et portant sur l'epaule, dans un mouchoir bleu attache au bout de son baton, une paire de souliers de rechange, une culotte et une chemise. Et il avait marche sans repos, pendant les jours et les nuits, par les interminables routes, sous le soleil et sous les pluies, sans arriver jamais a ce pays mysterieux ou les ouvriers trouvent de l'ouvrage. Il s'enteta d'abord a cette idee qu'il ne devait travailler qu'a la charpente, puisqu'il etait charpentier. Mais, dans tous les chantiers ou il se presenta, on repondit qu'on venait de congedier des hommes, faute de commandes, et il se resolut, se trouvant a bout de ressources, a accomplir toutes les besognes qu'il rencontrerait sur son chemin. Donc, il fut tour a tour terrassier, valet d'ecurie, scieur de pierres; il cassa du bois, ebrancha des arbres, creusa un puits, mela du mortier, lia des fagots, garda des chevres sur une montagne, tout cela moyennant quelques sous, car il n'obtenait, de temps en temps, deux ou trois jours de travail qu'en se proposant a vil prix, pour tenter l'avarice des patrons et des paysans. Et maintenant, depuis une semaine, il ne trouvait plus rien, il n'avait plus rien et il mangeait un peu de pain, grace a la charite des femmes qu'il implorait sur le seuil des portes, en passant le long des routes. Le soir tombait, Jacques Randel harasse, les jambes brisees, le ventre vide, l'ame en detresse, marchait nu-pieds sur l'herbe au bord du chemin, car il menageait sa derniere paire de souliers, l'autre n'existant plus depuis longtemps deja. C'etait un samedi, vers la fin de l'automne. Les nuages gris roulaient dans le ciel, lourds et rapides, sous les poussees du vent qui sifflait dans les arbres. On sentait qu'il pleuvrait bientot. La campagne etait deserte, a cette tombee de jour, la veille d'un dimanche. De place en place, dans les champs, s'elevaient, pareilles a des champignons jaunes, monstrueux, des meules de paille egrenees; et les terres semblaient nues, etant ensemencees deja pour l'autre annee. Randel avait faim, une faim de bete, une de ces faims qui jettent les loups sur les hommes. Extenue, il allongeait les jambes pour fa
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