un trou des
mieux conditionnes." D'un coup d'aile, il plongea, ramassa le gland et
le jeta dans le trou; sa physionomie exprimait une joie indescriptible,
lorsque soudain son sourire se figea sur son bec, et fit place a une
profonde stupeur: "Comment se fait-il, dit-il, que je ne l'aie pas
entendu tomber?" Il regarda de nouveau, et resta tres pensif; il fit le
tour du trou en tous sens, bien decide a percer ce mystere; il ne trouva
rien. Il s'installa alors sur le haut du toit, et se prit a reflechir en
se grattant la tete avec sa patte. "Je crois que j'entreprends la un
travail colossal; le trou doit etre immense, et je n'ai pas le temps de
m'amuser."
"Il s'en alla a tire d'aile, ramassa un autre gland, le jeta dans le
trou et essaya de voir jusqu'ou il etait tombe, mais en vain; alors il
poussa un profond soupir. "Le diable s'en mele, dit-il, je n'y comprends
plus rien, mais je ne me laisserai pas decourager pour si peu." Il
retourna chercher un gland et recommenca son experience, sans arriver a
un resultat meilleur.
"C'est curieux, marmotta-t-il; je n'ai jamais vu un trou pareil; c'est
evidemment un nouveau genre de trou." Il commencait pourtant a
s'enerver. Persuade qu'il avait affaire a un trou ensorcele, il
secouait la tete en ronchonnant; il ne perdit pas cependant tout espoir
et ne se laissa pas aller au decouragement. Il arpenta le toit de long
en large, revint au trou et lui tint ce langage: "Vous etes un trou
extraordinaire, long, profond; un trou peu banal, mais j'ai decide de
vous remplir; j'y arriverai coute que coute, dusse-je peiner des
annees."
Il se mit donc au travail; je vous garantis que vous n'avez jamais vu un
oiseau aussi actif sous la calotte des cieux. Pendant deux heures et
demie, il ramassa et jeta des glands avec une ardeur devorante, sans
meme prendre le temps de regarder ou en etait son ouvrage. Mais la
fatigue l'envahit et il lui sembla que ses ailes pesaient cent kilos
chacune. Il jeta un dernier gland et soupira: "Cette fois je veux etre
pendu si je ne me rends pas maitre de ce trou." Il regarda de pres son
travail. Vous allez me traiter de blagueur, lorsque je vous dirai que je
vis mon geai devenir pale de colere.
"Comment, s'ecria-t-il, j'ai reuni la assez de glands pour nourrir ma
famille pendant trente ans et je n'en vois pas la moindre trace. Il n'y
a pas a en douter: si j'y comprends quelque chose, je veux que l'on
m'empaille, qu'on me bourre le ventre de son et qu'on me
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