me suis pas derobe a l'obligation
de la soumettre a l'analyse critique. Je l'ai fait sans idee preconcue
et sans aucun parti pris d'hostilite. On pourra trouver, je crois, que
le jugement que je porte sur cette ecole, sans etre complaisant, n'est
ni rigoureux ni injuste. Je n'ai eu d'ailleurs a examiner ses theories
qu'au point de vue particulier du theatre.
L'ART DE LA MISE EN SCENE
CHAPITRE PREMIER
Le succes n'est pas la mesure de la valeur intrinseque d'une oeuvre
dramatique.--Les variations de l'art correspondent aux variations de
l'esprit.
J'examinerai tout d'abord la question de la mise en scene dans ses
termes les plus generaux, ce qui me permettra de formuler des lois
generales d'ou il sera ensuite plus facile de deduire les regles
particulieres. Je commencerai par rappeler cette verite universellement
admise et acceptee couramment comme un lieu commun: la valeur
intrinseque d'une oeuvre dramatique n'a pas toujours pour mesure la
valeur que lui attribuent les contemporains.
Cette proposition ne peut rencontrer beaucoup de contradicteurs. Il
suffit de rappeler l'engouement peu justifie du public, a toutes les
epoques, pour tel poete ou pour telle oeuvre dramatique. Les exemples
que l'on pourrait citer sont innombrables. Si l'on dressait la liste de
tous les auteurs ayant joui d'une grande reputation de leur vivant et
ayant remporte de tres vifs succes au theatre, on pourrait constater
qu'il en est quelques-uns dont les noms ont disparu de la memoire des
hommes, et que la plupart ne nous sont aujourd'hui connus que par les
titres de pieces qu'on ne lit plus. Comme toute chose ici-bas, les
oeuvres d'art se plient aux caprices passagers de la mode et aux
perversions momentanees du gout. Une elite peu nombreuse porte seule des
jugements certains que ratifie l'avenir, tandis que la foule se complait
dans le plaisir qu'elle eprouve a sentir caresser ses passions et
favoriser ses penchants. Elle s'admire dans les oeuvres qui flattent
ses gouts, comme le fat devant un miroir qui reflete son air a la mode.
Chaque pas du temps fait des hecatombes d'oeuvres dramatiques; et
la grande reputation d'une oeuvre passee n'a souvent d'egal que
l'etonnement plein de tristesse et de desenchantement que nous cause
sa reprise. Qui ne sait meme, a un point de vue plus general encore,
combien nous sommes exposes a gater nos plus chers souvenirs, quand dans
l'age mur nous avons la faiblesse de rouvrir les livres qui
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