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La femme qui tue un homme pour avoir viole sa promesse de mariage, est
d'avance acquittee.
La chanson suivante, qui fait partie des poesies populaires, donne une
idee parfaite du role que la femme joue au Montenegro.
LA TSERNOGORSTE.
"Un haidouk se lamente, et crie sur la montagne: Pauvre Stanicha,
malheur a moi qui t'ai laisse tomber sans vengeance!
"Du fond de la vallee de Tsousi, l'epouse de Stanicha entend ces cris,
et comprend que son epoux vient de perir.
"Aussitot, un fusil a la main, elle s'elance, l'ardente chretienne, et
gravit les verts sentiers que descendaient les meurtriers de son mari,
quinze Turcs conduits par Tchenghitj-Aga.
"Des qu'elle apercoit Tchenghitj-Aga, elle tire et l'abat. Les autres
Turcs, effrayes de l'audace de cette femme heroique, s'enfuient et la
laissent couper la tete de leur chef, qu'elle emporte dans son village.
"Bientot Fati, veuve de Tchenghitj, ecrit une lettre a la veuve de
Stanicha:
"Epouse chretienne, tu m'as arrache les deux yeux en tuant mon
Tchenghitj-Aga; si donc tu es une vraie Tsernogorste, tu viendras
demain, seule, a la frontiere, comme moi j'y viendrai seule, pour que
nous mesurions nos forces, et voyions qui de nous deux fut la meilleure
epouse."
"La chretienne quitte ses habits de femme, revet le costume et les armes
enleves a Tchenghitj, prend son yatagan, ses deux pistolets et sa
brillante carabine, monte le beau coursier de l'aga, et se met en route
a travers les sentiers de Tsousi, en criant devant chaque rocher:
"S'il se trouve ici cache un frere tsernogorste, qu'il ne me tue pas, me
prenant pour un Turc, car je suis une enfant du Tsernogore."
"Mais en arrivant a la frontiere, elle vit que la perfide musulmane
avait amene avec elle son parrain, qui, montant un grand cheval noir,
s'elanca furieux sur la veuve chretienne.
"Celle-ci l'attend sans s'effrayer; d'une balle bien dirigee, elle le
frappe au coeur, puis lui coupe la tete; alors, atteignant la Turque dans
sa fuite, elle l'amena a Tsousi, ou elle en fit sa servante, l'obligeant
a chanter pour endormir, dans leur berceau, les enfants orphelins de
Stanicha.
"Et, apres l'avoir eue ainsi a son service durant quinze annees, elle
renvoya la Turque libre parmi les siens."
Vivant dans une republique de proscrits et de soldats, les femmes
montenegrines ont du se faconner aux necessites de la vie commune;
manier le fuseau et le pistolet, travailler et combattre, voila leur
do
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