uble existence.
VI.
A l'entree de chaque cabane, des chiens enormes, sentinelles vigilantes,
veillent sur l'habitation du montagnard. Approchez neanmoins sans
crainte; ces chiens si terribles, si feroces en apparence, savent
reconnaitre le voyageur. Si vous avez soif, si vous avez faim, frappez a
cette porte, le maitre de la maison s'empressera de vous ouvrir, et de
partager avec vous tout ce qu'il possede. La tribu des Niegouchi est
renommee pour son art de fumer la viande de chevre et de mouton; vous
gouterez donc a la _castradina_, ce mets national du Montenegrin; votre
hote, si vous n'avez pas faim, vous presentera lui-meme la pipe et le
cafe. Au depart, donnez-lui une poignee de main, c'est tout ce qu'il
demande; ayez soin de decharger vos armes en vous eloignant, c'est un
signe de remerciment et une marque d'honneur auxquels il sera
tres-sensible.
VII.
Le Montenegrin, loin d'avoir la rudesse et la grossierete qui sont
l'ordinaire partage des peuples militaires, est, au contraire, fin,
intelligent, habile, on pourrait presque dire diplomate. Il a meme une
reputation de negociant consomme. Les voyageurs pretendent que la vie
militaire est bien plutot pour le Montenegrin la suite d'une position
geographique que le resultat d'un penchant naturel. Voyez, disent ces
voyageurs, quelle patience, quels efforts ont du deployer les laboureurs
montenegrins pour couvrir leurs abruptes sommets, leurs deserts pierreux
de champs, de moissons, de vignes et de vergers? Le Montenegrin aime
l'agriculture, il s'y livre avec une espece de passion; chasseur,
pecheur, ouvrier habile en outils, en ustensiles, en pipes, en
tabatieres, ouvrez-lui un debouche vers la mer, et vous verrez
l'industrie regner dans ses montagnes; et peut-etre ne tardera-t-elle
pas a y faire son apparition.
Tant que l'Autriche sera maitresse des bouches du Cattaro, il est
impossible, sans se faire de bien grandes illusions, de croire a
l'avenir industriel du Montenegro.
Comme tous les montagnards, le Montenegrin est fanatique du sol natal.
Loin de ses rocs calcines, il s'etiole, il languit, il meurt; c'est le
pin sauvage de la montagne, qui ne peut naitre ni verdir dans la vallee.
Au pied de la tour d'Obod, un des plus vieux monuments du pays, dans une
sombre et profonde caverne, dort Ivo, le heros et le fondateur de la
nation. Quand la mer bleue et Kataro auront ete rendus aux Montenegrins,
alors Ivo sortira de son sommeil magique
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