er, par son imprudence, aux maux de sa
maitresse, et, marchant sur la pointe du pied, il sortit de l'hotel sans
etre remarque.
Il sut bientot que la comtesse avait ete en danger de mort; une nouvelle
lettre lui apprit en detail ce qui s'etait passe. "Renoncer a nous voir,
disait Emmeline, est impossible, il n'y faut pas songer; et cette idee
qui vous desole ne me cause aucune peine, car je ne puis l'admettre un
instant. Mais nous separer pour six mois, pour un an, voila ce qui me
fait sangloter et me dechire l'ame, car c'est la tout ce qui est
possible." Elle ajoutait que, si, avant son depart, il eprouvait un desir
trop vif de la revoir encore une fois, elle y consentirait. Il refusa
cette entrevue; il avait besoin de toute sa force; et, bien que convaincu
de la necessite de s'eloigner, il ne pouvait prendre aucun parti. Vivre
sans Emmeline lui semblait un mot vide de sens, et, pour ainsi dire, un
mensonge. Il se jura cependant d'obeir a tout prix, et de sacrifier son
existence, s'il le fallait, au repos de madame de Marsan. Il mit ses
affaires en ordre, dit adieu a ses amis, annonca a tout le monde qu'il
allait en Italie. Puis, quand tout fut pret, et qu'il eut son passeport,
il resta enferme chez lui, se promettant, chaque soir, de partir le
lendemain, et passant la journee a pleurer.
Emmeline, de son cote, n'etait guere plus courageuse, comme vous pouvez
penser. Des qu'elle put supporter la voiture, elle alla au Moulin de May.
M. de Marsan ne la quittait pas; il eut pour elle, pendant sa maladie,
l'amitie d'un frere et les soins d'une mere. Je n'ai pas besoin de dire
qu'il avait pardonne, et que la vue des souffrances de sa femme l'avait
fait renoncer a ses projets de separation. Il ne parla plus de Gilbert,
et je ne crois pas que, depuis cette epoque, il ait prononce ce nom
etant seul avec la comtesse. Il apprit le voyage annonce, et n'en parut
ni joyeux ni triste. On devinait aisement a sa conduite qu'il se
reconnaissait, au fond du coeur, coupable d'avoir neglige sa femme, et
d'avoir si peu fait pour son bonheur. Lorsque, appuyee a son bras,
Emmeline se promenait lentement avec lui dans la longue _allee des
Soupirs_, il paraissait presque aussi triste qu'elle; et Emmeline lui sut
gre de ce qu'il ne tenta jamais de rappeler l'ancien amour, ni de
combattre l'amour nouveau.
Elle brula les lettres de Gilbert, et, dans ce sacrifice douloureux, ne
respecta qu'une seule ligne ecrite de la main de son amant: "_Pour
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