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oment. Elle avait des cotes que je ne pouvais pas m'expliquer. Elle disait, par exemple, qu'il faut se reposer quand on a bien travaille, et elle faisait le lundi comme les ouvriers. Elle restait volontiers a sa machine le dimanche, mais le lundi, elle se fut laisse couper le bras plutot que de faire un point. Elle aimait les longues stations dans les cafes, les melodrames entremeles de chopes et d'oranges pendant les entr'actes, les parties de canot a Asnieres, et surtout, et avant tout, le bal. Elle etait comme chez elle a l'Elysee-Montmartre et au Chateau-Rouge; elle y connaissait tout le monde, le chef d'orchestre la saluait, ce dont elle etait extraordinairement fiere, et quantite de gens la tutoyaient. Je l'accompagnais partout, dans les commencements, et bien que n'etant pas precisement naive, ni genee par les scrupules de mon education, je fus tellement consternee de l'incroyable desordre de sa vie, que je ne pus m'empecher de lui en faire quelques representations. Elle se facha tout rouge. --Tu fais ce qui te plait, me dit-elle, laisse-moi faire ce qui me convient. C'est une justice que je lui dois: jamais elle n'essaya sur moi son influence, jamais elle ne m'engagea a suivre son exemple. Ivre de liberte, elle respectait la liberte des autres. Alors que ma conduite eut du lui paraitre l'amere critique de la sienne, elle la trouvait toute naturelle. Si les gens qui se trouvaient avec nous se moquaient de moi, elle prenait mon parti. En deux ou trois circonstances, ou on m'attaqua un peu vivement, elle me defendit vigoureusement. --Laissez-la, disait-elle, chacun a son idee, n'est-ce pas? Mais la societe qu'elle recherchait me repugnait, et j'eprouvais pour ce qu'elle appelait le plaisir un insurmontable degout. Peu a peu je sortais plus rarement avec elle. Lorsqu'elle s'en allait le lundi, je restais a la maison, lisant quelque roman que j'allais louer au cabinet de lecture de la rue des Dames, ou passant l'apres-midi avec un de nos voisins. C'etait un vieux musicien, si pauvre que, plus d'une fois, sans nous, il serait peut-etre mort de faim tout seul dans sa mansarde. Mais il possedait un piano, et me faisait de la musique. Il savait, paroles et musique, des operas entiers, qu'il me chantait avec un accent si comique, que parfois j'eclatais de rire, mais avec une telle intensite d'expression que, par moments, je ne pouvais retenir mes larmes. Il m'appelait sa madone brune et voulait m'ap
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