ciale, puisqu'il n'est qu'un pauvre diable de
bout d'homme, sans pere ni mere, eleve on ne sait comment ni par qui,
venu on ne sait d'ou, gitant on ne sait dans quel trou, vivant. Dieu
sait comme! de la charite publique, rie reculant pas devant certaines
besognes louches pour assurer sa pitance, et pourtant, malgre tout, ne
manquant pas d'une vague dignite, d'une inconsciente fierte.
Donc, El Chico sortit en courant du cabinet de Fausta. Il etait fou de
joie--ou de douleur, car on n'aurait pu, en conscience, affirmer lequel
de ces deux sentiments dominait en lui. Toujours courant, il se rendit
au fond du jardin, du cote du fleuve. Il paraissait d'ailleurs connaitre
admirablement ce jardin et, a travers le labyrinthe des allees et des
bosquets, dans la nuit accrue de l'ombre opaque des arbres en quantite
considerable, il se dirigeait sans hesitation.
Arrive a la ceinture de cypres, il grimpa sur un de ces arbres avec
dexterite et s'engagea dans le cone de verdure sombre ou sa petite
taille pouvait lui permettre de penetrer et de se dissimuler. Sans
doute, il avait la quelque cachette connue de lui seul, car il se
debarrassa du sac d'or qu'il devait a la munificence de Fausta, apres
quoi il se laissa glisser a terre.
Sans se presser maintenant, l'air grave et meditatif, il longea
l'enceinte de verdure et s'arreta de nouveau devant un jeune cypres que
le hasard avait sorti de l'alignement et fait pousser tout pres du mur.
Cet arbre, place la, c'etait une echelle naturelle toute trouvee pour
franchir l'obstacle eleve. En effet, El Chico grimpa la jusqu'a ce qu'il
fut arrive a dominer le mur. Alors, il imprima un leger balancement au
tronc frele de l'arbuste et, avec l'adresse et la souplesse d'un chat,
il sauta sur la crete du mur. Il se suspendit par les mains et se laissa
tomber doucement hors de la propriete.
Il s'eloigna du mur et alla s'asseoir dans l'herbe qui poussait haute et
drue. Les coudes appuyes sur les genoux ramenes au corps, la tete dans
ses mains, il resta longtemps ainsi, immobile. Peut-etre pensait-il
a des choses que lui seul savait. Peut-etre obeissait-il a des
instructions recues dans la maison des Cypres. Peut-etre enfin, et plus
simplement, S'etait-il endormi.
Les vibrations lointaines d'un bronze religieux laissant tomber dans la
nuit douze coups solennellement espaces le tirerent de sa torpeur.
C'etait a peu pres vers ce meme moment que Fausta, precedee de
Centurion, s'engageait dans le
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