ara-t-elle en levant vers lui sa figure
ingenue.
--Ou demeure-elle, ta mere? demanda le laquais ironique sans se
deranger.
--Je trouverai bien. Ouvrez-moi seulement cette grande porte.
Le serviteur galonne se mit a rire en analysant le bizarre accoutrement
de son interlocutrice.
Elle le regardait avec ses grands yeux naifs, et attendait. Quand, a
la fin, il se decida a ouvrir les deux enormes battants de la porte
massive, elle se retourna une derniere fois vers sa compagne, lui sourit
doucement en maniere d'adieu, et, serrant plus fortement ses tresors,
pour ne pas les perdre en route, elle partit en courant.
C'est alors que le petit sabot se remit a patauger en expert, et que les
polichinelles et les poupees, etroitement emprisonnes entre ses bras,
eurent leurs cheveux joliment ebouriffes par les collisions diverses
qu'ils subirent avec les passants, les poteaux de reverberes, que
sais-je encore!
Et, ma foi, tout etait pour le mieux.
Ces personnalites elegantes, en leur mise irreprochable, se fussent
trouvees bien depaysees dans le logis ou les conduisait leur petite
maitresse.
L'emmelement de leurs chevelures, et les menues avaries que recurent
leurs toilettes pendant le trajet, les firent accueillir comme de la
famille chez leurs nouveaux hotes.
Apres une tres longue course, notre amie s'arreta devant une bicoque, et
frappa la porte du pied en appelant sa mere.
Elle tomba dans les bras de celle-ci, toute bourree de ses cadeaux,
cherchant a les garantir jusque dans la chaleur de l'etreinte
maternelle.
Aux questions empressees: "D'ou viens-tu, chere enfant? Qu'as-tu fait?
Ou as-tu passe la nuit?" la fillette ne repondait rien. Elle exhibait a
ses petits freres son riche butin, ses yeux brillant du plaisir de se
retrouver dans la misere et l'intimite de sa cahute.
La rentree de la chere absente avec son attrayant cortege chassa le laid
fantome du desespoir qui etait venu s'asseoir au foyer.
La mere ravivee, bercant longuement entre ses bras le bebe retrouve,
oublia toutes les angoisses des dernieres heures. Le bonheur qui
n'attendait que ce signal eclata dans la masure un instant assombrie...
Car le petit Noel avait aussi passe la, jetant dans les sabots la
semence d'or qui donne la paix du coeur, l'insouciance heureuse et la
fraicheur coloree d'une vigoureuse jeunesse.
Pour recompenser la charite d'une mere, Dieu avait donc mis dans un
palais le don inestimable qu'il reserve a ses amis
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