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producteurs eclatant a la fois; mais cela ne dure que peu; la lumiere,
si pleine tout a l'heure, ne tarde pas a palir, l'eclipse recommence,
l'eternel conflit de la civilisation et de la barbarie se perpetue:
c'est toujours Castor et Pollux qui reparaissent sur la terre l'un apres
l'autre, ou plutot c'est Atree et Thyeste qui regnent successivement
en freres peu amis. Et au nombre des causes de ces mysterieuses
vicissitudes, Naude ne craint pas de mettre "la grande bonte et
providence de Dieu, lequel, soigneux de toutes les parties de l'univers,
departit ainsi le don des arts et des sciences, aussi bien que
l'excellence des armes et etablissement des empires, ou en Asie, ou en
Europe, permettant la vertu et le vice, vaillance et lachete, sobriete
et delices, savoir et ignorance, aller de pays en pays, et honorant ou
diffamant les peuples en diverses saisons; afin que chacun ait, part a
son tour au bonheur et malheur, et qu'aucun ne s'enorgueillisse par une
trop longue suite de grandeurs et prosperites." C'est la une belle page
et digne de Montaigne. (Voir aussi le debut du chapitre IV des _Coups
d'Etat_.)]
Lorsqu'on vendit, en 1657, la bibliotheque de M. Morcau, l'ancien
professeur de Naude et de Guy Patin, ce dernier ecrivait a Spon: "Ce qui
reste de la bibliotheque de M. Morcau se vend a la foire, j'entends les
livres de philosophie, d'humanites et d'histoire. Il avoit fort peu de
theologie et haissoit toute controverse de religion; meme je l'ai mainte
fois vu se moquer de ceux qui s'en mettoient en peine. Je pense qu'il
etait de l'avis de M. Naude, qui se moquoit des uns et des autres, et
qui disoit qu'il falloit faire comme les Ita"liens, bonne mine sans
bruit, et prendre en ce cas-la pour devise:
Intus ut libet, foris ut moris est.
Je prends acte a regret du fond des sentiments; mais on n'aurait
certainement pas trouve dans la bibliotheque de Naude de ces lacunes qui
se notaient dans celle de M. Moreau. Il avait le bon esprit d'y mettre
meme ce qu'il n'aimait guere; la aussi il savait faire la part de la
coutume: "Finalement, dit-il, il faut pratiquer en cette occasion
l'aphorisme d'Hippocrate qui nous avertit de donner quelque chose au
temps, au lieu et a la coutume, c'est-a-dire que certaine sorte de
livres ayant quelquefois le bruit et la vogue en un pays qui ne l'a pas
en d'autres, et au siecle present qui ne l'avoit pas au passe, il est
bien a propos de faire plus ample provision d'iceux que no
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