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auparavant [243]. Nous le rencontrons frequemment les annees suivantes
dans les lettres de Guy Patin, et c'est a cette date seulement que la
petite societe de Gentilly commence. Mais, a travers ses relations
resserrees avec ses amis de France, Naude, tout occupe de former la
bibliotheque du cardinal Mazarin, s'absentait encore pour de longs
et nombreux voyages en Flandre, en Suisse, en Italie de nouveau, en
Allemagne, rapportant de chaque tournee des milliers de volumes et
des voitures tout entieres. Il nous a donne le bulletin de ses doctes
caravanes dans le _Mascurat_ [244]. Enfin, au commencement de 1647, il
n'eut plus qu'a coordonner son immense butin, a organiser en quelque
sorte sa conquete. C'allait etre un beau jour pour lui, le plus beau
jour de sa vie, que celui ou la publicite de cet etablissement unique
eut ete complete [245]; deja la porte particuliere a l'usage des savants
etait pratiquee sur la rue; deja l'inscription latine destinee a figurer
au-dessus, et qui devait dire a tous les passants (aux passants qui
savaient le latin) d'entrer librement, se gravait sur le marbre noir en
lettres d'or; Naude touchait a l'accomplissement du reve et du labeur de
toute sa vie. C'est a ce moment precis que se rapporte la lettre souvent
citee de Guy Patin (27 aout 1648) [246]: "M. Naude, bibliothecaire de M.
le cardinal Mazarin, intime ami de M. Gassendi comme il est le mien,
nous a engages pour dimanche prochain a aller souper et coucher nous
trois en sa maison de Gentilly, a la charge que nous ne serons que nous
trois et que nous y ferons la debauche: mais Dieu sait quelle debauche!
M. Naude ne boit naturellement que de l'eau et n'a jamais goute vin. M.
Gassendi est si delicat qu'il n'en oseroit boire, et s'imagine que son
corps bruleroit s'il en avoit bu. C'est pourquoi je puis bien dire de
l'un et de l'autre ce vers d'Ovide:
Vina fugit, gaudetque meris abstemius undis [247].
Pour moi, je ne puis que jeter de la poudre sur l'ecriture de ces deux
grands hommes, j'en bois fort peu; et neanmoins ce sera une debauche,
mais philosophique, et peut-etre quelque chose davantage, pour etre tous
trois gueris du loup-garou et du mal des scrupules, qui est le tyran des
consciences. Nous irons peut-etre jusque fort pres du sanctuaire..."
Naude celebrait a sa maniere, dans cette petite orgie de Gentilly, _sub
rosa_, la prochaine dedicace de ce temple de Minerve et des Muses dont
il tenait les clefs, quand, le lendemain ou
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