ord la difference qu'il y a entre les lettres d'ordinaires
_melancoliques et songearts_, et les hommes d'action et de gouvernement
auxquels sont devolues des qualites toutes contraires: _Paucis ad bonam
mentem opus est litteris_, repetait-il d'apres Seneque. Il ne faut pas
tant de lecture dans la pratique a un esprit bien fait; et il insiste
sur cette verite de bon sens en homme d'esprit, tout a fait degage du
metier.
Son voyage d'Italie et le long sejour qu'il y fit acheverent vite de
l'aiguiser et de lui donner toute sa finesse morale. Ces douze annees,
depuis l'age de trente jusqu'a quarante-deux ans, lui mirent le cachet
dans toute son empreinte. Devenu l'un des domestiques, comme on disait,
du cardinal de Bagni, adopte dans la famille, il se consacra tout entier
a ses devoirs envers le noble patron, a l'agrement liberal et studieux
de cette societe romaine qui savait l'apprecier a sa valeur. On etait
alors sous le pontificat d'Urbain VIII, de ce poete latin si elegant et
si fleuri, qui se souvenait volontiers de ses distiques mythologiques,
et qui continuait de les scander tout en tenant le gouvernail de la
barque de saint Pierre. Dans cette Rome des Barberins, Naude put se
croire d'abord transporte au regne de Leon X, d'un Leon X un peu affadi:
son gout litteraire ne sentait peut-etre pas assez la difference. Tous
ses ecrits de cette epoque ne furent plus composes qu'en vue de quelque
circonstance particuliere et en quelque sorte domestique; moins que
jamais le public apparut a sa pensee, ce grand public prochain qui
allait etre le seul juge. Pour le cardinal, son maitre, homme d'Etat, il
composa son livre des _Coups d'Etat_; pour son neveu, le comte Fabrice
de Guidi, il fit en latin le petit traite _de l'Etude liberale_, a
l'usage des jeunes gentilshommes; pour un autre neveu, le comte Louis,
le gros traite latin _sur l'Etude militaire_, a l'usage des guerriers
instruits. Il dressait en meme temps pour leur pere, le marquis de
Montebello, une genealogie et une histoire de cette famille des
Guidi-Bagni. Coeur delicat sans doute et reconnaissant, on le voit
empresse de payer sa bienvenue a chacun des membres; lui aussi il se
sent riche a sa maniere, il veut rendre et donner. On peut soupconner
de plus sans injure qu'etranger et necessiteux, il n'etait pas fache
de recevoir. Je ne fais qu'indiquer d'autres opuscules latins, tous
egalement de circonstance, ses cinq theses medico-litteraires, agreables
reminiscences
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