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qu'un individu se leva du fond de la cave, alluma de la paille pour
mieux me voir, car il etait impossible, a mon costume, et surtout a la
peau d'ours qui me couvrait en partie, de savoir a quel regiment
j'appartenais. Mais, ayant vu l'aigle imperial sur mon shako, il cria,
d'un air goguenard: "Ah! ah! de la Garde imperiale? A la porte!" Et
les autres repeterent: "A la porte! a la porte!" Etourdi, sans etre
intimide de leurs cris, je me levai pour les prier, puisque le hasard,
ou plutot le bonheur m'avait fait tomber chez eux, de m'y laisser au
moins jusqu'au jour, et qu'alors je m'en irais. Mais l'individu qui
s'etait leve le premier, et qui paraissait le chef, ayant a son cote
un demi-espadon, qu'il avait soin de faire voir avec affectation,
repeta que je devais sortir, et de suite, et tous repeterent en
choeur: "A la porte! A la porte!" Un Allemand vint pour mettre la main
sur moi, mais, d'une poussee que je lui donnai dans la poitrine, je
l'envoyai tomber de tout son long sur d'autres qui etaient encore
couches, et mis la main sur la poignee de mon sabre, car mon fusil,
lorsque je roulai en bas de la rampe, etait reste derriere. L'homme au
demi-espadon applaudit a la culbute que je venais de faire faire a
celui qui voulait me mettre a la porte, en lui disant qu'il
n'appartenait pas a un Allemand, a une tete de choucroute, de mettre
la main sur un Francais.
Voyant que l'homme au demi-espadon m'avait donne raison, je repondis
que j'etais decide a ne sortir qu'au jour, et que je me ferais plutot
tuer par eux que de mourir de froid sur le chemin. Une femme, car il
s'en trouvait deux, voulut intervenir pour moi, mais elle recut
l'ordre de se taire, et cet ordre fut accompagne de jurements et des
mots les plus sales; alors, le chef me signifia encore l'ordre de
sortir, en me disant de lui eviter le desagrement de mettre la main
sur moi, parce que, s'il s'en melait, la chose serait bientot faite,
et qu'il m'enverrait coucher ou etait mon regiment. Je lui demandai
pourquoi lui et les siens n'y etaient pas. Il me repondit que cela ne
me regardait pas, qu'il n'avait pas de comptes a me rendre, qu'il
etait chez lui et que je ne pourrais pas rester la nuit avec eux,
parce que je les genais pour aller faire leurs courses en ville et
profiter du desordre et du peu de surveillance qu'il y avait aux
voitures d'equipage, pour y faire du butin. Je demandai comme une
grace de rester encore un instant pour me chauffer et rajuster
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