ge, aussi je le
devorai. Ensuite il me demanda des nouvelles d'un de ses pays qu'on
lui avait dit etre dangereusement malade; tout ce que je pus lui dire,
c'est qu'il etait entre en ville, mais que, puisqu'il ne l'avait pas
vu ou etait le regiment, il nous fallait aller voir a la porte de la
ville par ou nous etions entres; que la, nous pourrions peut-etre
avoir quelques renseignements, car beaucoup de malades, n'ayant pu
monter la rampe de glace pour aller ou etait le regiment, etaient
restes au poste du Badois ou dans les environs. Nous y allames de
suite.
Il n'y avait qu'un instant que nous marchions, lorsque nous arrivames
au dragon; pour cette fois, on l'avait mis presque nu, probablement
pour s'assurer s'il n'avait pas une ceinture avec de l'argent. Je lui
montrai la cave, et nous arrivames a la porte ou nous fumes saisis par
la quantite de morts que nous y vimes; pres du poste du Badois etaient
quatre hommes de la Garde, morts pendant la nuit, et dont l'officier
de poste avait empeche qu'on les depouillat; il nous dit aussi que,
dans son corps de garde, il y en avait encore deux qu'il croyait de la
Garde; nous y entrames pour les voir; ils etaient sans connaissance:
le premier etait un chasseur, le second, qui avait la figure cachee
avec un mouchoir, etait de notre regiment. Grangier, lui ayant
decouvert la figure, fut on ne peut plus surpris en reconnaissant
celui qu'il cherchait. Nous nous empressames, comme nous pumes, de le
secourir; nous lui otames son sabre et sa giberne qu'il avait encore
sur lui, ainsi que son col, et nous tachames de lui faire avaler
quelques gouttes d'eau-de-vie; il ouvrit les yeux sans nous
reconnaitre et, un instant apres, il expira dans mes bras. Nous
ouvrimes son sac; nous y trouvames une montre, ainsi que differents
petits objets que Grangier renferma afin de les envoyer comme souvenir
a sa famille, s'il avait le bonheur de revoir la France, car il etait
du meme endroit que lui; tant qu'au chasseur, apres l'avoir mis dans
la meilleure position possible, nous l'abandonnames a sa malheureuse
destinee. Que pouvions-nous faire?
Grangier me conduisit a son poste; un instant apres, il fut releve par
les chasseurs; avant de partir, nous n'oubliames pas de leur
recommander l'homme de leur regiment que nous venions de quitter. Le
sergent envoya de suite quatre hommes pour le prendre: il sera
probablement mort en arrivant, car tous ceux qui se trouvaient dans
cette position mouraient de
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