e qui demeure avec
moi l'a recue hier, et me l'a donnee en me disant qu'il n'ajoutait aucune
foi a des accusations non signees. Qui a ecrit cela? je l'ignore.
L'orthographe est aussi mauvaise que le style; mais ce n'en est pas moins
dangereux pour moi: on me denonce comme une fille perdue, et l'on va
jusqu'a preciser le jour et l'heure de nos derniers rendez-vous. Il faut
que ce soit quelqu'un de la maison, une portiere ou une femme de chambre;
je ne sais que faire ni comment me preserver du peril qui me menace.
--Quel peril? demanda Frederic.
--Je crois, dit en riant Bernerette, qu'il n'y va pas moins que de ma vie.
J'ai affaire a un homme d'un caractere violent, et, s'il savait que je le
trompe, il serait tres capable de me tuer.
Frederic relut en vain la lettre, et l'examina de cent facons, il ne put
reconnaitre l'ecriture. Il rentra chez lui fort inquiet, et resolut de ne
pas voir Bernerette de quelques jours; mais il recut bientot d'elle un
billet.
"Il sait tout, ecrivait-elle; je ne sais qui a parle; je crois que c'est
la portiere. Il ira vous voir; il veut se battre avec vous. Je n'ai pas la
force d'en dire davantage; je suis plus morte que vive."
Frederic passa la journee entiere dans sa chambre; il s'attendait a la
visite de son rival, ou du moins a une provocation. Il fut surpris de
ne recevoir ni l'une ni l'autre. Le lendemain et pendant les huit jours
suivants, meme silence. Il apprit enfin que M. de N----, l'amant de
Bernerette, avait eu avec elle une explication, a la suite de laquelle
celle-ci avait quitte la maison et s'etait sauvee chez sa mere. Reste
seul et desole de la perte d'une maitresse qu'il aimait eperdument, le
jeune homme etait sorti un matin et n'avait plus reparu. Au bout de quatre
jours, ne le voyant pas revenir, on avait fait ouvrir la porte de son
appartement; il avait laisse sur sa table une lettre qui annoncait son
fatal dessein. Ce ne fut qu'une semaine plus tard qu'on trouva dans la
foret de Meudon les restes de cet infortune.
III
L'impression que ressentit Frederic a la nouvelle de ce suicide fut
profonde. Bien qu'il ne connut pas ce jeune homme et qu'il ne lui eut
jamais adresse la parole, il savait son nom, qui etait celui d'une famille
illustre. Il vit arriver les parents, les freres en deuil, et il sut les
tristes details des recherches auxquelles on avait ete oblige de se
livrer pour decouvrir le mort. Les scelles furent mis; bientot apres,
les tapissier
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