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pour le faire renoncer a un mariage avantageux; mais les dernieres
circonstances avaient agi sur lui trop fortement pour qu'il put s'en
remettre si vite. Dans un coeur trouble par le souvenir, il n'y a pas de
place pour l'esperance; ces deux sentiments, dans leur extreme vivacite,
s'excluent l'un l'autre; ce n'est qu'en s'affaiblissant qu'ils se
concilient, s'adoucissent et finissent par s'appeler mutuellement.
La jeune personne dont il s'agissait avait un caractere tres melancolique.
Elle n'eprouvait pour Frederic ni sympathie ni repugnance; c'etait, comme
lui, par obeissance qu'elle se pretait aux projets de ses parents. Grace
a la facilite qu'on leur laissait de causer ensemble, ils s'apercurent
tous deux de la verite. Ils sentirent que l'amour ne leur venait pas, et
l'amitie leur vint sans efforts. Un jour que les deux familles reunies
avaient fait une partie de campagne, Frederic, au retour, donna le bras
a sa future. Elle lui demanda s'il n'avait pas laisse a Paris quelque
affection, et il lui conta son histoire. Elle commenca par la trouver
plaisante et par la traiter de bagatelle; Frederic n'en parlait pas non
plus autrement que comme d'une folie sans importance; mais la fin du
recit parut serieuse a mademoiselle Darcy (c'etait le nom de la jeune
personne).--Grand Dieu! dit-elle, c'est bien cruel. Je comprends ce qui
s'est passe en vous, et je vous en estime davantage. Mais vous n'etes pas
coupable; laissez faire le temps. Vos parents sont aussi presses sans
doute que les miens de conclure le mariage qu'ils ont en tete; fiez-vous
a moi, je vous epargnerai le plus d'ennuis possible, et, en tout cas, la
peine d'un refus.
Ils se separerent sur ces mots. Frederic soupconna que mademoiselle Darcy
avait de son cote une confidence a lui faire. Il ne se trompait pas. Elle
aimait un jeune officier sans fortune qui avait demande sa main et qui
avait ete repousse par la famille. Elle fit preuve de franchise a son
tour, et Frederic lui jura qu'il ne l'en ferait pas repentir. Il s'etablit
entre eux une convention tacite de resister a leurs parents, tout en
paraissant se soumettre a leur volonte. On les voyait sans cesse l'un
aupres de l'autre, dansant ensemble au bal, causant au salon, marchant a
l'ecart a la promenade; mais, apres s'etre comportes toute la journee
comme deux amants, ils se serraient la main en se quittant et se
repetaient chaque soir qu'ils ne deviendraient jamais epoux.
De pareilles situations sont
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