et sortit. Elle avait vu le
trouble de Frederic et l'effet que son discours produisait sur lui; elle
le laissa plein de tristesse. Le pauvre garcon etait trop inexperimente
pour supposer que, dans une declaration aussi formelle, il put y avoir de
la coquetterie. Il ne connaissait pas les mobiles etranges qui gouvernent
quelquefois les actions des femmes; il ne savait pas que celle qui veut
reellement refuser se contente de dire non, et que celle qui s'explique
veut etre convaincue.
Quoi qu'il en soit, cette conversation eut sur lui la plus facheuse
influence. Au lieu de chercher a persuader mademoiselle Darcy, il evita,
les jours suivants, toute occasion de lui parler seul a seul. Trop fiere
pour se repentir, elle le laissa s'eloigner en silence. Il alla trouver
son pere, et lui parla de la necessite de faire son stage. Quant au
mariage, ce fut mademoiselle Darcy qui se chargea de repondre la premiere;
elle n'osa refuser tout a fait, de peur d'irriter sa famille, mais elle
demanda qu'on lui donnat le temps de reflechir, et elle obtint qu'on
la laisserait tranquille pendant un an. Frederic se disposa donc a
retourner a Paris; on augmenta un peu sa pension, et il quitta Besancon
plus triste encore qu'il n'y etait venu. Le souvenir du dernier entretien
avec mademoiselle Darcy le poursuivait comme un presage funeste, et,
tandis que la malle-poste l'emportait loin de son pays, il se repetait
tout bas: Vous saurez ce que c'est que l'amour.
IV
Il ne se logea point, cette fois, dans le quartier Latin; il avait affaire
au Palais de Justice, et il prit une chambre pres du quai aux Fleurs. A
peine arrive, il recut la visite de son ami Gerard. Celui-ci, pendant
l'absence de Frederic, avait fait un heritage considerable. La mort
d'un vieil oncle l'avait rendu riche; il avait un appartement dans la
Chaussee-d'Antin, un cabriolet et des chevaux; il entretenait en outre une
jolie maitresse; il voyait beaucoup de jeunes gens; on jouait chez lui
toute la journee et quelquefois toute la nuit. Il courait les bals, les
spectacles, les promenades; en un mot, de modeste etudiant il etait devenu
un jeune homme a la mode.
Sans abandonner ses etudes, Frederic fut entraine dans le tourbillon qui
environnait son ami. Il y apprit bientot a mepriser ses anciens plaisirs
de la Chaumiere. Ce n'est pas la qu'irait se montrer ce qu'on appelle la
jeunesse doree. C'est souvent en moins bonne compagnie, mais peu importe;
il suffit de l'usa
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