a l'affranchissement des esclaves[22]. J'ai vu qu'elles
supposoient toutes une revolution subite, egalement dangereuse pour
les maitres et pour les esclaves. Ceux qui defendent le systeme
actuel, n'imaginent que des affranchis livres a la paresse et aux
voluptes, sans activite et sans energie pour les travaux utiles. Cette
classe dangereuse est nee de la corruption de nos moeurs. Je crois
avoir trace un autre ordre de choses et une marche plus prudente et
plus sure. Sa lenteur previendroit tous les dangers. La revolution
s'opereroit insensiblement, sans effort et sans trouble. La liberte
que je presente, auroit pour base le travail et les moeurs. Les
proprietes particulieres n'eprouveroient aucune atteinte; leur produit
seroit augmente par l'interet des cultivateurs, par leur emulation et
par leur industrie. On n'auroit rien a craindre de la licence des
affranchis: leurs moeurs seroient changees, et on leur imprimeroit le
caractere qui convient a un peuple cultivateur. Une population
nouvelle, nombreuse et faite au travail, remplaceroit ce peuple
d'esclaves qui cultivent nos colonies: la possession de ces
etablissements seroit moins incertaine: chaque affranchi seroit un
nouveau defenseur; tandis qu'en cas d'attaque l'esclave est un ennemi
de plus a combattre ou a enchainer. La justice, la bienfaisance et la
liberte previendroient la ruine qui menace nos colonies, si elles sont
long-temps encore dependantes du commerce des esclaves. Ce commerce,
que rien ne peut justifier, s'aneantirait, et l'humanite auroit moins
de larmes a verser. Ce plan peut etre annonce sans crainte: son
premier effet sera de resserrer les noeuds de l'obeissance, de placer
l'espoir du bonheur et de la liberte dans le travail et la bonne
conduite, et d'animer ainsi la culture et la population des colonies.
C'est aux pieds de la nation assemblee que je mets ces projets. C'est
elle qui doit prononcer sur d'aussi grands interets. Elle doit porter
ses regards sur tous les hommes qui la composent. Elle doit s'occuper
de tout ce qui peut influer sur les vertus particulieres et
publiques. Elle doit se reformer elle-meme et detruire les abus que de
longues injustices ont consacres. Puissent les idees que je viens de
tracer adoucir le sort des infortunes dont j'ai plaide la cause! Quel
que soit leur succes, elles auront eu pour moi le charme consolateur
qu'ont toujours les voeux formes pour le bonheur de l'humanite.
NOTES ET PREUVES
[1] Lisez
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