s furent contre lui.
Evidemment la veine devait changer.
--Toujours? demande-t-il.
Parbleu!
Il gagna.
Raisonnable, il eut du s'en tenir la, heureux d'en etre quitte ainsi;
mais quel joueur ecoute la raison quand il voit la fortune lui sourire!
ne serait-il pas fou de la repousser si elle venait a lui?
--Continuons-nous? demanda-t-il.
--Tant que tu voudras.
--Cent louis?
--Tout ce que tu voudras.
Il gagna encore.
Decidement la chance etait pour lui; son heure avait sonne; encore
quelques coups et il pouvait rendre a sa belle-mere cet argent qu'il
lui avait ete si dur de demander.
--Doublons-nous? dit-il.
--Assurement, repondit d'Arjuzanx.
La paleur de Sixte avait disparu sous l'afflux d'une bouffee de chaleur
qui du coeur etait montee au front et aux joues; il respirait plus
largement, ses mains ne tremblaient plus.
On s'etait groupe autour d'eux, et chacun etait plus attentif a leur
duel qu'a la partie elle-meme, insignifiante comparee a leurs paris.
--Le baron voudrait perdre expres qu'il ne s'y prendrait pas autrement,
dit de la Vigne a son voisin.
--Croyez-vous?
Qu'il le voulut ou ne le voulut point, toujours est-il que d'Arjuzanx
perdit encore.
--Je crois bien que tu as passe un engagement avec la veine, dit-il a
Sixte.
A ce moment un domestique entra dans le salon.
--Il est entendu que vous restez a diner, dit d'Arjuzanx en s'adressant
a Sixte et a de la Vigne en meme temps.
Ils voulurent refuser.
--Sixte, decide M. de la Vigne par ton exemple, dit d'Arjuzanx, et vous,
monsieur de la Vigne, gagnez Sixte par le votre.
On insista de divers cotes.
D'Arjuzanx avait ouvert un petit bureau:
--Voici ce qu'il faut pour ecrire, dit-il, on portera immediatement vos
depeches au telegraphe.
Deja de la Vigne avait pris place au bureau; quand il quitta la chaise,
Sixte le remplaca:
"Retenu a diner avec de la Vigne; a ce soir.
VALENTIN."
Comme il remettait sa depeche a d'Arjuzanx, celui-ci lui dit:
--Crois-tu maintenant qu'en refusant d'accepter ton argent j'avais le
pressentiment que tu me le reprendrais bientot? ca me semble bien
vouloir recommencer notre fameuse partie du college de Pau.
Cette insistance frappa Sixte; pourquoi donc d'Arjuzanx mettait-il un
empressement si peu deguise a le pousser au jeu?
Ce fut la question qu'il se posa: d'Arjuzanx voulait-il lui infliger une
nouvelle perte? ou bien, honteux de la somme qu'il avait gagnee,
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