en ajoutant tout haut, pour
moralite a ses doux commentaires, de grandes exclamations sur le malheur
des femmes qui ne pouvaient echapper aux inconvenients de leur beaute et
qui n'etaient en surete nulle part. Le lendemain Timothee vint chanter
plus pres encore une romance encore plus absurde, qui fut trouvee non
moins belle que l'autre. Le jour suivant il fit parvenir un billet, et
le quatrieme jour il s'introduisit en personne dans le jardin, bien
certain que la princesse avait fait mettre les chiens a l'attache et
qu'elle avait envoye coucher tous ses gens. Ce n'est pas qu'aux temps
les plus florissants de sa vie elle n'eut ete galante. Elle n'avait
jamais eu ni une vertu ni un vice; mais tout homme qui se presentait
chez elle avec l'adulation sur les levres etait sur d'etre accueilli
avec reconnaissance. Timothee avait pris de bonnes informations, et il
se precipita aux pieds de la douairiere dans un moment ou elle etait
seule, et, sans s'effrayer de l'evanouissement qu'elle ne manqua pas
d'avoir, il lui debita une si belle tirade qu'elle s'adoucit; et, pour
lui sauver la vie (car il ne fit pas les choses a demi, et, comme tout
galant eut fait a sa place, il menaca de se tuer devant elle), elle
consentit a le laisser venir de temps en temps baiser le bas de sa robe.
Seulement, comme elle tenait a ne pas donner un mauvais exemple a sa
filleule, elle recommanda bien a son humble esclave de ne pas s'avouer
pour le chanteur de romances et de se presenter dans la maison comme un
parent qui arrivait de Moree.
Mattea fut bien surprise le lendemain a table lorsque ce pretendu neveu,
annonce le matin par sa marraine, parut sous les traits de Timothee;
mais elle se garda bien de le reconnaitre, et ce ne fut qu'au bout de
quelques jours qu'elle se hasarda a lui parler. Elle apprit de lui, a
la derobee, qu'Abul, occupe de ses soieries et de sa teinture, ne
retournerait guere dans son ile qu'au bout d'un mois. Cette nouvelle
affligea Mattea, non-seulement parce qu'elle lui inspirait la
crainte d'etre forcee de retourner chez sa mere, d'ou il lui serait
tres-difficile desormais de s'echapper, mais parce qu'elle lui otait le
peu d'esperance qu'elle conservait d'avoir fait quelque impression sur
le coeur d'Abul. Cette indifference de son sort, cette preference donnee
sur elle a des interets commerciaux, c'etait un coup de poignard enfonce
peut-etre dans son amour-propre encore plus que dans son coeur; car nous
avouons qu'il nous e
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