nir a lui: "Eh bien!"
disait-il sur un ton d'affectueuse sollicitude, "et le vieil ennemi, que
fait-il?" (_How is the old complaint?_ Comment va l'indisposition
accoutumee?) Cela tombait rarement a faux; et cela faisait toujours
plaisir.
Bismarck, qui s'y connaissait, avait une haute opinion de Disraeli,
"Salisbury est sans importance," disait-il durant le congres de Berlin:
"ce n'est qu'une baguette peinte pour ressembler a du fer. Mais ce vieux
juif--Disraeli--s'entend aux affaires."
Un amusant episode se rapporte au meme congres, et au meme "vieux juif."
Lord Beaconsfield arriva a Berlin la veille de l'ouverture, et
l'ambassade anglaise le recut avec beaucoup d'apparat. Dans le courant
de la soiree un des secretaires vint trouver Lord Odo Russell qui etait
l'ambassadeur en ce moment et lui dit:
"Nous sommes dans un terrible embarras. Vous seul pouvez nous en tirer.
Le vieux chef a resolu d'ouvrir le congres avec un discours en
francais.... Il a redige une longue oraison, en francais, et il l'a
apprise par coeur. Il ouvrira les ecluses demain. L'Europe entiere va se
moquer de nous: sa prononciation est execrable. Nous perdrions nos
places a vouloir le lui dire: voulez-vous nous tirer d'affaire?"
"La mission est delicate," fit Lord Odo: "mais j'aime les missions
delicates. Je vais voir ce que je puis faire."
Il alla rejoindre Dizzy dans la chambre a coucher d'honneur de
l'ambassade.
"Mon cher lord," dit-il, "une terrible rumeur est arrivee jusqu'a mes
oreilles."
"Vraiment, qu'est-ce donc?"
"On nous dit que vous avez l'intention d'ouvrir demain les travaux du
congres en francais."
"Eh bien! et apres?"
"Ce qu'il y a, c'est que nous savons tous que nul en Europe n'est mieux
en etat de ce faire. Mais, a tout prendre, faire un discours en francais
est un tour de force banal. Il y aura au congres au moins une
demi-douzaine d'hommes qui pourraient en faire autant, presque aussi
bien. Mais, d'un autre cote, qui donc, hormis vous, pourrait prononcer
un discours en anglais? Tous ces plenipotentiaires sont venus des
differentes cours d'Europe dans l'expectative du plus grand regal
intellectuel de leur existence: entendre parler en anglais par le maitre
le plus eminent de la langue. La question est de savoir si vous les
voulez desappointer?..."
Dizzy ecouta avec attention, mit son monocle, considera Lord Odo, et dit
enfin:
"11 y a un argument serieux dans ce que vous me dites la. Je vais y
reflechir
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