x tomberent sur une petite
lettre d'une ecriture inconnue qu'on avait deposee sur sa table; il
l'ouvrit, et apres avoir lu les cinq ou six lignes qu'elle contenait, il
se frotta les mains avec une joie extreme, retourna vers son argent, le
contempla, relut la lettre, serra l'argent, et sortit pour commander
son souper d'un ton plus doux que de coutume. Comme il entrait dans la
cuisine, il se trouva face a face avec Joseph, qui attendait son retour
depuis plusieurs heures, et qui etait venu pour lui porter le dernier
coup; mais cette fois toutes les batteries du brave diplomate furent
dejouees.
--Eh bien! mon cher, lui dit le marquis en lui donnant amicalement sur
l'epaule une tape capable d'etourdir un boeuf, nous sommes sauves; tout
est repare, arrange, termine, tu sais cela? c'est toi qui as apporte la
lettre?
--Quelle lettre? dit Joseph renverse de surprise.
--Bah! tu ne sais pas? dit le marquis: les enfants ont entendu raison;
ils se confessent, ils s'humilient; c'est a tes bons conseils que je
dois cela, j'en suis sur; tiens, lis.
Joseph prit avidement le billet et tressaillit en reconnaissant
l'ecriture.
"MONSIEUR,
Notre excellent ami, Joseph Marteau, nous a appris avant-hier que
vous aviez la bonte de pardonner a l'egarement de notre amour, et
que vous tendiez les bras a un fils repentant. Dans l'impatience de
voir s'operer une reconciliation que j'ai demandee a Dieu tous les
jours depuis six mois, je viens vous supplier de hater cet heureux
instant. J'espere que Joseph vous dira combien mon respect pour vous
est sincere et desinteresse. Si Andre avait jamais eu la pensee de
vous vendre sa soumission, j'aurais cesse de l'estimer et j'aurais
rougi d'etre sa femme. Permettez-nous bien vite d'aller pleurer a
vos pieds; c'est tout, absolument tout ce que je vous demande.
Votre respectueuse servante, GENEVIEVE."
"Tout est perdu pour ces malheureux enfants romanesques, pensa Joseph;
ce qu'il me reste a faire, c'est de reparer de mon mieux le tort que
j'ai pu faire a Andre dans l'esprit de son pere par mes abominables
mensonges."
Il y travailla sur-le-champ, et n'eut pas de peine a faire oublier au
marquis les pretendues menaces qui l'avaient effraye. Le hobereau etait
si content de ressaisir a la fois ses terres et son argent qu'il etait
dans les meilleures dispositions envers tout le monde; il se grisa
completement a souper, devint tendre et paternel
|