devait simplement
explorer une partie du pays et se replier ensuite. Tout semblait calme
dans la campagne; rien n'indiquait une resistance preparee.
Or, les Prussiens descendaient avec tranquillite dans une petite vallee
que coupaient des ravins profonds quand une fusillade violente les
arreta net, jetant bas une vingtaine des leurs; et une troupe de
francs-tireurs, sortant brusquement d'un petit bois grand comme la main,
s'elanca en avant, la baionnette au fusil.
Walter Schnaffs demeura d'abord immobile, tellement surpris et eperdu
qu'il ne pensait meme pas a fuir. Puis un desir fou de detaler le
saisit; mais il songea aussitot qu'il courait comme une tortue en
comparaison des maigres Francais qui arrivaient en bondissant comme un
troupeau de chevres. Alors, apercevant a six pas devant lui un large
fosse plein de broussailles couvertes de feuilles seches, il y sauta a
pieds joints, sans songer meme a la profondeur, comme on saute d'un pont
dans une riviere.
Il passa, a la facon d'une fleche, a travers une couche epaisse de
lianes et de ronces aigues qui lui dechirerent la face et les mains, et
il tomba lourdement assis sur un lit de pierres.
Levant aussitot les yeux, il vit le ciel par le trou qu'il avait fait.
Ce trou revelateur le pouvait denoncer, et il se traina avec precaution,
a quatre pattes, au fond de cette orniere, sous le toit de branchages
enlaces, allant le plus vite possible, en s'eloignant du lieu du combat.
Puis il s'arreta et s'assit de nouveau, tapi comme un lievre au milieu
des hautes herbes seches.
Il entendit pendant quelque temps encore des detonations, des cris et
des plaintes. Puis les clameurs de la lutte s'affaiblirent, cesserent.
Tout redevint muet et calme.
Soudain quelque chose remua contre lui. Il eut un sursaut epouvantable.
C'etait un petit oiseau qui, s'etant pose sur une branche, agitait des
feuilles mortes. Pendant pres d'une heure, le coeur de Walter Schnaffs
en battit a grands coups presses.
La nuit venait, emplissant d'ombre le ravin. Et le soldat se mit a
songer. Qu'allait-il faire? Qu'allait-il devenir? Rejoindre son
armee?... Mais comment? Mais par ou? Et il lui faudrait recommencer
l'horrible vie d'angoisses, d'epouvantes, de fatigues et de souffrances
qu'il menait depuis le commencement de la guerre! Non! Il ne se sentait
plus ce courage! Il n'aurait plus l'energie qu'il fallait pour supporter
les marches et affronter les dangers de toutes les minutes.
Mais
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