ombats a l'epee emoussee par ceux qui sont restes a cheval, et celuy qui
fera des exploits de plus grande valeur, obtiendra le prix que la belle
Sassenage luy donnera. On s'accorda a cette proposition, et l'on la publia
parmy tous les chevaliers. Apparemment ceux qui avaient este abattus n'y
prirent pas plaisir, mais aussy la joye des autres fut extreme.
Le lendemain, les vainqueurs vinrent dans la place en forme d'escadron.
Tous avec un desir egal d'obtenir le prix plutot pour leur propre gloire
que pour aucune consideration du present de Zizimi. Bressieu, Saint-Quentin
et Monteson brulaient d'impatience d'en venir aux mains, afin de pouvoir
estre recompensez de celles de la belle Sassenage. Ainsi l'amour et
l'honneur les animoient tous puissamment. Les barrieres estant ouvertes,
ils firent voir leurs espees nues, et on entendit un moment apres mille
chamaillis. Comme cette sorte de combats ne pouvaient pas permettre a ces
chevaliers de se renverser les uns les autres, ny de donner aucune marque
certaine d'avoir vaincu, Zizimi, les juges et les spectateurs ne purent
connoistre qui meritoit mieux le prix et l'on fut fort en peine qui de tant
de braves combattants, devoit estre declare vainqueur. On estoit donc dans
cette incertitude, lorsque Philippine parla bas au Sultan, et le Sultan
pour temoigner qu'il approuvoit ce qu'elle luy avoit dit, en fit le rapport
aux juges qui y consentirent, et des lors le Seigneur de Montchenu ayant
este appele par un herault, la belle Sassenage luy donna la boette de
diamants preparee pour le vainqueur. On vit bien que Montchenu l'avoit
obtenue a cause que la feste se faisoit pour ses nopces, et quoiqu'il y en
eust d'autres dont la valeur etoit aussi bien connue que la sienne, et qui
en avoient donne des preuves assez convainquantes, neanmoins il n'y eut pas
un qui en murmurast ny qui temoignast d'en estre fache. Comme Montchenu eut
receu ce beau present, il alla le presenter a sa maitresse qui le receut
comme venant d'une personne qui lui estoit tres chere.
Le jour qui suivit les jouxtes fut celuy de ses nopces et apres avoir disne
magnifiquement dans Romans, ou le prince se trouva, Montchenu amena sa
femme en son chateau de Montchenu ou il fut suivi d'une partie des
chevaliers qui avaient combattu.
Zizimi fut convie d'y aller; mais ayant appris que Philippine retournoit
dans le Royanois, il ne voulut point la quitter. Comme il l'eut ramenee a
la Bastie, il retourna a Rochechinard a
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